Universitaire et critique de cinéma, Kamel Ben Ouanès s’est engagé de plein fouet dans la production et la réalisation de films. Il a fondé avec un groupe pas tout à fait une société, mais plutôt ce qu’il appelle « un atelier de fabrication de films ». Cette structure créée depuis 2004 a déjà à son compte pas moins de 8 titres, dont notamment « Lilet Aïd », (L’aube d’une journée d’Aïd) de Achraf Laamar, « Les voisines » (Jaret Essas), de Mahmoud Turki, « Eve à mes yeux » ( Fi Enaya Hawa) de Anouar Lahouar…
Kamel Ben Ouanès vient de participer à la deuxième session de Douz Doc Days organisée par Hichem Ben Ammar et son équipe, du 26 au 30 décembre dernier. Entretien.
Le Temps : vous étiez à Douz sous une double casquette ; critique et cinéaste producteur. Pourriez-vous nous en dire davantage à propos de cette participation ?
Kamel Ben Ouanès : à la faveur de la seconde session de Douz Doc Days, deux titres de Kantaoui Films ont fait partie du programme : « Sandales de terre » de Mansour Khedimallah, présenté lors de la cérémonie de clôture et « Palerme métaphore du monde » qui est mon œuvre.
« Sandales de terre » propose une description de la situation dans la région de Sbeïtla Kasserine, à la veille du déclenchement des événements du 17 décembre 2010. Dans ce film, l’auteur décrit la déchéance, la frustration pesante qui affecte la population locale et notamment le paysan dont le destin est étroitement lié à la culture de la Halfa.
« Palerme métaphore du monde » présente la ville de Palerme à travers le regard d’un émigré tunisien qui, au terme de plusieurs années de séjour dans cette ville, commence à en percevoir les composantes historiques, culturelles et sociales.
Palerme est terre d’exil certes, mais pas seulement. Elle porte aussi les empreintes et les traces des vestiges de la civilisation arabo-musulmane notamment de la période de l’invasion des Normands. Dans ce sens, le présent ou l’actualité dramatique de nos jeunes attirés par un faux Eldorado, sont démystifiés dans le but de voir que Palerme porte l’empreinte de deux civilisations, l’Orient et l’Occident, l’Islam et le Christianisme, le présent et le passé, la grandeur et la déchéance. C’est pourquoi la ville devient « la métaphore du monde », selon l’expression de l’écrivain sicilien, Scia-Scia.
*Pensez-vous que le documentaire, en ces temps de troubles et de précarité, va sauver l’honneur du cinéma tunisien ?
-J’estime que la vocation de ce festival est d’autant plus importante qu’elle répond à deux objectifs majeurs dans le cinéma tunisien. D’abord, de promouvoir un cinéma militant engagé ou du moins, qu’il a un encrage social évident qui est le genre documentaire. Puis, de contribuer à la visibilité de la production cinématographique nationale qui est handicapée par le déficit du circuit de distribution. Dans ce sens, un festival comme celui de Douz Doc Days milite pour une promotion intelligente du documentaire tunisien.
J’estime aussi que ce festival constitue un rendez-vous annuel important non seulement par la qualité de sélection et les différentes sections qui y sont programmées, mais aussi, par cette louable initiative qui consiste à tisser des liens avec plusieurs festivals internationaux concernés directement par le documentaire. A ce titre, on peut citer le festival de Marseille, de Bejaia (Algérie) et le festival de Salina (Italie).
Un autre aspect non négligeable consiste à associer à la faveur de chaque session, les jeunes de la région non seulement dans l’organisation active du festival, mais surtout, à les inviter à participer à des stages de formation dans le domaine du documentaire et du langage cinématographique en général.
* Dans quelle mesure, le film documentaire qui parle de la Révolution, nous aide-t-il à saisir avec pertinence, la situation difficile qui prévaut actuellement en Tunisie ?
-Très bonne question ! Le cinéma et l’art en général n’apportent pas de solution aux problèmes proposés. Parfois le cinéma fait mieux ! Il aide à cerner le sens d’une situation historique donnée.
*Qu’est-ce que vous entendez par sens ?
-Un événement politique social ou autre, n’a pas un seul sens ; il est forcément polysémique car c’est à partir de la situation de chacun, que se dessine la signification d’où ce débat qui donne naissance à une entente ou au contraire, à une polémique. Le dialogue conduit tantôt à une convergence, tantôt à une divergence. Cela prouve que personne ne détient la vérité parce que celle-ci se situe sur cette ligne médiane entre les différents points de vue et c’est pourquoi, la rupture du dialogue, signifie qu’on se trouve face à un sombre tableau menaçant car sans dialogue on est isolé, on est réduit à écouter le fol écho de sa propre conscience. En revanche, poursuivre le dialogue, persévérer à l’entretenir, à le nourrir malgré toute la difficulté ou la tension qu’il ponctue, qu’il génère, représente la meilleure voie nous permettant d’être en situation de conclave, en compagnie des autres pour continuer à creuser, à décrypter les subtiles solutions devant conduire à un compromis. Cela est d’autant plus important que ce compromis couronnant le dialogue, sera à son tour dépassé, transcendé, peut être remis en question, nullement parce qu’il est faible ou imparfait, mais tout simplement parce que la situation historique qui a déterminé son émergence, va changer et se transformer à son tour.
Propos recueillis par : Sayda BEN ZINEB
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